Jour # 1302 être encore une autre

Publié le par #ceciestunblog

Ca a été fusionnel. Une attirance implicite, nécessairement réciproque même si la nature réciproque de la pulsion n’est qu’un prétexte égalitaire pour évacuer la culpabilité. Quand on fait l’amour à la va-vite dans un couloir plutôt lugubre, on a besoin de croire que les enjeux sont réciproques ; supposer l’égalité nous dédouane des enjeux. Lui et moi pour la même chose, ça soulage et permet de s’adonner à la chose sans retenue.

 

Je l’ai tout de suite repéré dans son complet de commercial, costume gris, coupe bon marché et couleur légèrement élimée, mais il le portait avec une assurance saillante qui ne laissait aucun doute la vigueur athlétique de son corps. Il avait de belles mains, larges et puissante, et une mâchoire dans le même registre. J’aurais pu passer l’après-midi à regarder sa bouche déverser ses fadaises tellement sa mâchoire était belle ; c’était comme écouter une statue grecque, une de celles que j’avais croquées mille fois quand j’étais aux beaux-arts. Je le dévorais des yeux, fascinée par son corps, son assurance saillante, la promesse d’une plastique merveilleuse mais je crois que sa tête ne savait rien de ce qu’il se passait plus bas.

 

Il s’écoutait parler. Je ne voulais provoquer les choses, pas par des mots, je voulais qu’il me prenne, qu’il m’emporte, je voulais être la princesse qu’il venait enlever. Il fallait que cela vienne de lui. La langue des corps est une langue bien vivante même si elle s’exprime dans les interstices de la conscience. J’ai laissé mon corps ouvrir la voie au désir, je voulais que mon désir soit tu mais qu’il soit contagieux. Il suffit d’attitudes équivoques, c’est cela le pouvoir des femmes que les mères transmettent aux filles avec la promesse de tenir le monde et à défaut de tenir les hommes.

 

Quelques minutes plus tard il me plaque contre le béton ciré du couloir qui mène au parking où est garée sa voiture de fonction. J’embrasse sa bouche délicieuse, goût de cigarette et de sueur. Si proche de lui je sens son eau de toilette. Il a un baiser qui semble vouloir cacher sa maladresse par une fougue excessive. J’aime cela, ça a le goût de son jeune âge. Il passe sa main sous ma jupe, remonte ma cuisse, découvre mes bas, il se plaque à moi. Le béton glacé me mord les fesses, mais lui me réchauffe.

 

Il m’a fait l’amour, vite et bien. J’ai joué les grandes dames et il a aimé cela. Il n’a pas eu besoin de retirer son costume, pas plus que je n’ai eu envie de retirer ma jupe, juste ouvrir sa braguette, juste baisser ma culotte. On n’a pas eu le temps de s’inquiéter si quelqu’un passerait par là, ça a été trop vite. Il m’a embrassé une dernière fois, il n’embrassait pas mieux. Il m’a donné sa carte, il ne s’est pas inquiété des cheveux que mes boucles ont laissés sur sa chemise, ni le rouge à lèvres que j’ai usé dans son cou. Je l’ai laissé aller à sa voiture, je suis allée me rafraîchir aux toilettes. Il m’a demandé de le rappeler, il suppose que si je me suis laissée sauter dans les parkings c’est que je suis une femme sans ambition ; j’ai pris ma douche, mon peignoir et puis ce verre qui donne à la nuit un ton plus chaud.

 

Je le laisse espérer, j’ai laissé sa carte dans la poubelle du bureau, il m’oubliera sûrement bien assez tôt. Je l’aurai oublié demain.

Publié dans Les mots des mots

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