Faut-il s'arrêter de créer ?

Publié le par Monsieur C

Est-il encore judicieux de faire des choses, des films, des photos, des histoires, des romans, des jeux, des objets culturels ?  Faut-il encore créer ces choses-là dans ce monde-là et avec ces outils-là qui sont les notre ? Dans un temps indistinctement reculé par rapport à mon siège je me souviens que l’on disait parfois ; à quoi bon faire de la poésie après Victor Hugo, à quoi bon faire de la sculpture après Michel Ange, à quoi bon faire un jeu de plate-forme après Super Mario Bros ? Nous nous posions ces questions comme nous aurions pu ériger des prétextes à nos médiocrités ; ce questionner de la sorte ce n’était pas abdiquer mais seulement témoigner de notre volonté de créer et de notre humilité à la lumière des lanternes de nos classiques.

C’était un temps, c’était avant.

Aujourd’hui lorsqu’il arrive que je me questionne ce n’est plus sous le jour artificiel et subjectif de mes lanternes d’antant. Si je me demande s’il est encore légitime de créer des choses culturelles ce n’est pas parce que de nouveaux maîtres auraient imposé de nouveaux classiques faisant monter d’un cran le cap de la qualité infranchissable; non, si je me questionne c’est parce que la plèbe, armée d’outils de création et de propagation massive produit en masse de la médiocrité créative. Et tout cela est déversé sans limites raisonnables sur les réseaux sociaux, les sites et les canaux numériques jusqu’à saturation. Ils sont tous là, partout, les poètes de pacotilles, les cinéastes à la petite semaine, les romanciers boutonneux, les photographes poisseux, j’en passe et des biens pires, tous les créatifs qui ne savent faire la part de marketing et de l’art, tous les pulsionnels adipeux et les dépressifs de la prose, une armée bien vivante qui marche sur l’art, la culture et la créativité avec le pas lourd des victoires invisibles.

Et quand je m’assoie parfois au bord de ce fleuve boueux, puissant et implacable, quand je m’assoie moi, créatif et poète façonné à la mamelle du doute, de l’esprit critique et de l’ambition égotique je ne peux qu’hésiter. Ne serait-il pas salvateur que je ne rajoute pas mon ruisseau à ce fleuve bourbeux ? J’agite dans mon esprit courroucé la vacuité d’un tarissement salvateur et utopique de la médiocrité comme un acte de foi. Est-ce que me montrer à la hauteur de mes ambitions ça ne serai pas de me taire ? Pénitence de me merde ! Je sais que je ne suis pas de ceux qui trouveront une échappatoire dans la pénitence de mon âme ; alors je suis très bien que je fini toujours par me jeter au fleuve comme d’autres vont au Gange. Et si je ne parviens pas à surnager, je peux toujours pisser dedans.

Faut-il s'arrêter de créer ?
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