Passager de la route 2/5

L’homme au volant de sa voiture après le tocsin de minuit peut être aussi porté par le désir fougueux de retrouver une femme. Elle est peut-être son officielle, son amoureuse, sa maîtresse, sa conquête ou sa conquise mais qu’importe le corps, l’âme et l’union qui rattache les amants à cette géographie fuyante que l’homme comble au volant de sa voiture, il ne voit que la fin de la route et sa dentelle défaite. Quand au bout de la nuit sur le fronton des panneaux autoroutiers se dessinent l’hôtel, le lit et l’autel d’une passion charnelle le conducteur dévore les kilomètres fiévreux et chaque courbe crée une inflexion érotique sur le penchant de son être. Ces routes là sont parfois immenses, des infinis qui se traversent pour arracher à la vie un éclat de passion dévorée par deux bouches avides. Il avait connu cela, la France traversé d’une traite du Nord au Sud pour rejoindre l’amante d’une nuit, celle avec qui il avait brûlait des nuits entières au téléphone à se promettre qu’un jour ils seraient ivres ensemble avec le ciel comme seul témoin. Il avait roulé sans hâte habité par la certitude et à chaque fois qu’un panneau égrenait le décompte des kilomètres son excitation grandissait comme aux premiers émois dans la cour du collège. La muse autoroutière est une femme que l’on désir en distance et en durée et qui se donne comme le flash d’un radar. Il aimait ce souvenir, c’était sa rose, sa manière d’être Saint-Exupéry sur quatre roues et sans ailes, il aimait d’autant plus ce souvenir qu’il ne pouvait pas le partager parce qu’il était forgé du sceaux du secret avec la route comme seul témoin et les femmes qui se tenaient aux caisses des péages avant d’être happées par les robots. Il y avait de ce souffle romantique ce soir là dans la voiture, la caresse de l’air était une caresse de femme dans le profond de ses cheveux et sur son torse battant.

à suivre

La route, la nuit, la voiture