Jour # 1454 Il y a eu un drame dans l'immeuble de Gustave

Publié le par #ceciestunblog

Aussi surprenant que cela paraisse, ce n'est pas arrivé aux étages inférieurs qui pourtant sont réservés par circulaire gouvernementale visant à promouvoir la mixité sociale aux populations pauvres, souvent métissées et très largement acculturées du fait de leur docilité critique vis à vis des organes du système. Gustave n'a pas encore réalisé que du fait de son acculturation docile cette population est naturellement soumise aux impératifs réglementaires de la loi. Il faudrait pondérer le jugement faussé de Gustave par le fait que dans le privé ces mêmes populations témoignent quotidiennement d'un flagrant manque de savoir-vivre, d'éthique et de sens moral ; violence domestique, inceste, consommation outrancière de divertissement, hygiène déplorable, et toute une série de tares dont Gustave est devenu le témoin quotidien quand sa mademoiselle Daisy n'est pas chez elle. Comme fasciné par ce spectacle malsain plus vrai que nature Gustave a un petit peu oublié que la juste réalité se trouve dans la pondération des observations individuelles.

 

C'est pour cette raison qu'il fut stupéfait quand Daisy frappa à la tête l'homme qui vitupérait dans son salon depuis dix bonnes minutes. Un seul coup avait suffi et l'homme s'était écroulé, le visage tourné vers le sol comme s’il s'était tourné vers Gustave pour lui demander de l'aide. La flaque de liquide rouge et sombre qui s'étendait rapidement depuis son crâne formant autour de sa tête comme une couronne couleur carmin ne laissait aucune place au doute. Cet homme était mort.

 

Gustave était stupéfait, pourtant il éprouvait aussi une forme de soulagement. Depuis l'instant où cet homme était entré dans l'appartement 119 du onzième étage, Gustave avait ressenti de la colère et une forme bien distincte de jalousie. Son sentiment avait été exacerbé du fait que l'homme s'était montré très tactile avec sa locataire et, malheureusement pour lui, il ne pouvait pas distinguer suffisamment bien le visage de Daisy pour y déceler la nature de son expression. Il espérait que c'était du dédain ou du dégoût, mais redoutait que ce ne soit de la complicité, ou pire, du plaisir. La dispute avait éclaté pendant que qu'elle servait à boire. Elle avait alors abandonné sur la table la bouteille et les deux verres et s'était mise à faire les cent pas entre la cuisine et le salon alors que l'invité brassant du vent avec les bras regardait fixement par la fenêtre. Il manquait le son à cette pantomime silencieuse ce qui rendit la scène plus soudaine au moment où Daisy c'est emparée de la bouteille pour fracasser le crâne de l'homme.

 

Avec un aplomb et une promptitude des plus étonnantes elle se saisit des pieds du cadavre et le traina jusqu’à la salle de bains laissant sur le sol qu'elle n'imaginait pas transparent une traînée rouge comme une calligraphie chinoise. Penchée sur son méfait pour le hisser dans la baignoire, Daisy laissait enfin voir son visage, malheureusement pour Gustave l'effort masquait toute autre expression. Quand le corps du pauvre homme s'écroula dans la baignoire Daisy prit le temps de la déshabiller avant repartie dans la cuisine. Elle sembla hésitante, haletante, arrêtée devant son bloc de rangement. Était-elle submergée par la peur, l'adrénaline laissait-elle place à la culpabilité ? Elle ne faisait qu’hésiter sur la nature des instruments à prendre avant de réapparaître au-dessus du corps mort. La lame d'un couteau à céramique plasma se mit à rougeoyer dans sa main menue ; ce genre de d'ustensiles de cuisine avait été interdit il y a quelques années parce que même s'ils étaient idéaux pour trancher toutes sortes de produits surgelés, ils étaient aussi affreusement dangereux. Mais s'ils avaient été retirés de la vente, on tolérait que ceux déjà en circulation restent la propriété de leur acquéreur. S'il pouvait voir très distinctement Daisy agenouillée devant sa baignoire, Gustave ne distinguait plus ce qu'il se passait à l'intérieur de celle ci parce qu'elle s'était recouverte de sang.

 

C'est à ce moment seulement qu'il compris qu'il fallait qu'il réagisse, et rapidement, sans quoi les services de l'écologie auraient vite fait de convier la police chez mademoiselle Daisy. Le contrôleur holographique cracha rapidement au milieu de la pièce l'intégralité des systèmes biométriques qui régulaient l'ensemble du réseau de recyclage de l'immeuble. Il commença par désactiver les scanner des évacuations de l'appartement 119. Mais si seulement l'appartement de Daisy était déconnecté cela donnerai une raison aux services de recyclage de s'intéresser à elle, il déconnecta alors l'ensemble de son immeuble. Daisy ne risquait plus de se faire repérer en évacuant un excès de matière organique par les évacuations malheureusement elle ne le savait pas, il fallait que Gustave parvienne à la prévenir. Lui qui détestait communiquer avec ses locataires qu'il adorait pourtant pour la plupart décida pourtant d'utiliser le système vocal de communication interne pour annoncer aux habitants que le système de scanner biométrique qui régulait les évacuations était momentanément hors service suite à une mise à jour défectueuse. Il essaya de réunir tout le sang froid qu'il lui restait et il ouvrit le canal interne pour annoncer sa communication. Pendant qu'il pensait chaque mot qu'il prononçait pour ne trahir aucune émotion particulière, il observait les réactions de sa Daisy.

 

Elle s'était arrêtée le temps de la communication, avait-elle compris que ce message lui était dédié ou avait-elle cru à un heureux hasard, un de ceux qui sauvent des vies ?

Publié dans Les mots des mots

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