Trois fois

Publié le par Monsieur Ray

L’homme qui prend le temps de repasser son linge fini par éprouver une étrange sensation. Là où il n’y a qu’une tâche quotidienne ou hebdomadaire selon la hauteur de la patience de l’homme, fini par se trouver une forme de rituel qui transpire la mélancolie et la tristesse. Lui n’est pas riche, il est pauvre, il le sait comme il sait que son vêtement est la seule véritable interface qu’il arbore et par extension qu’il utilise pour médiatiser sa présence sans parole parmi les autres. Il est seul l’homme pauvre et lorsqu’il se tient debout dans la vapeur crachée par sa centrale à repasser il sent sous ses doigts le tissu rêche et usée des reliquats de ses secondes peaux. Depuis trente deux minutes il s’affaire à caresser par la chaleur de la semelle brûlante du fer, ses interfaces. Avec le recul de l’homme nu il regarde les fibres, il voit les tâches de rouilles, les trous que laisse l’usure, les boutons qui manquent aux chemises, ses fringues sont sans mensonges, elles lui parlent du temps désuet de leur flambance et de cette distance qu’il y a maintenant entre lui et la splendeur. Il repasser son ligne avec la conscience acquise de l’hygiène mais cela lui renvoie le souffle amère du temps perdu.

Monsieur Ray

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
N
"il repasser son ligne" me fait penser a l'encre longue ! je ne pensais pas qu'un moment de repassage ecrit par un auteur pouvait mettre les larmes aux yeux d'un lecteur ! ceci dit le pauvre a quand même une centrale à vapeur ! jespere que tu m'en a laissé un peu
Répondre
M
il ne faut pas toujours prendre les mots aux pieds de la lettre et accepter le principe que l'auteur qui repasse son linge divague un peu pour occuper le temps et s'éloigne de la stricte réalité pour en faire un morceau d'emphase littéraire et pas un documentaire ;)