Fragment de futur
[…] Zoé ne pouvait plus expliquer pourquoi elle vivait là, à l’étroit prise au piège comme un rat dans son appartement qui n’était en réalité qu’une boîte en métal exiguë, hygiéniste et réglementaire imbriquée elle-même dans un immeuble ne respectant que les normes minimales. Ce qu’elle appelait chez moi n’était qu’un espace clos et étriqué au revêtement synthétique brut uniforme du sol au plafond. Une seule et large fenêtre barricadée de stores éculés ouvrait le mur comme un œil cyclopéen maquillé comme une pute de luxe. Sa pièce était en permanence nimbée par les relents fluos des néons fichés dans la façade au-dessus de sa fenêtre qui déversaient leurs anti noir sans discontinuer. Zoé se souvient parfois du temps lointain où lui avait été assigné ce logement, elle se rappelle sa colère et sa révolte, mais se souvient-elle encore de son rêve de déménager ? Pas vraiment, elle l’a oublié comme elle a oublié le jour pourquoi un jour elle avait cessé de refuser sa condition. Peut-être que si Zoé arrêtait de connecter sa conscience à la Matrice globale qui la projette dans les plaines luxuriantes d’une oasis lointain elle retrouverait dans sa mémoire ce qui génère la haine et les envies de révolution. Mais c’est là toute la question à laquelle Zoé ne sait pas répondre, a-t-elle succombée aux méandres ostentatoires de la Matrice parce qu’elle n’est qu’une employée assignée à un appartement mensonger ou bien a-t-elle choisi de vivre dans le réduit minuscule de cet immeuble sans âme pour dépenser sa paie et s’adonner aux add-on de la Matrice ? […]