Dans les ruelles du quartier bleu
Avec sa jupe bio synthétique qui galbait ses courbes sous une couche de technologie discrète et ses jambes glissées dans l’audace de bas à coutures avant, Fanny avait rendez-vous dans le quartier bleu. S’était à l’époque où l’on ne se rendait pas dans le quartier bleu et sa phosphorescence permanente sans une bonne raison. Ça voulait dire sans une raison interlope ou un désir glauque que l’on cherchait à assouvir au secret de la nation état numérique. La pluie jaillissait du ciel noir et traversait l’espace jusqu’à frapper la rue, fouetter le visage de Fanny et diluer en reflets vacillants dans les flaques d’eau sale les lueurs artificielles. Les réverbères de cette zone avaient tous été bidouillés par les gangs qui tenaient le quartier, raccourcis d’une manière ou d’une autre. Les éclairages bleus dont la longueur d’onde brouillait les appareils informatiques trônaient sur des constructions bancales faites de bric et de brocs avec les lampes toutes tournées vers le sol de manière à ce que l’obscurité fasse sentir sa pressante présence à quelques mètres à peine au-dessus de la tête des passants. Dans les beaux quartiers où Fanny vivait l’architecture ne peut pas se concevoir sans le faste les lumières qui soulignent, inscrivent et dicte à la ville la présence des bâtiments. Dans le quartier bleu Fanny marchait entre des immeubles décapités qui faisaient planner un doute sur la ruelle nimbée d’électro light. Fanny s’arrêtait enfin devant une minuscule échoppe. En guise de fronton juste un écriteau de bois sur lequel étaient peint milles et un mouton. Elle hésitait un peu à entrer, à côté de la porte sur le bitume mouillé un corps sans forme avachi contre le mûr témoignait d’une présence à peine humaine. Mais elle n’avait pas fait tout ce chemin pour rien.