La passante qui n'avait pas trois sous

Publié le par Monsieur Ray

Elle est descendue fauchée dans la rue, les mains le long du corps parce qu’elle n’a prit de veste. Elle porte encore une robe malgré le vent et les feuilles mortes. Elle refuse la venue de l’automne et puis les robes et les jambes nues sans collant c’est plus économique en lessive, en efforts et en achats. De toutes façon de l’argent elle n’en a pas, peu, presque plus. Alors elle déambule en tant que pauvre dans les rues sans visages ni passants. Avec sa robe légère que le vent froisse et malmène on pourrait la prendre pour une aguicheuse qui dévoile plus de peau que de raison aux gens dans la rue. Sauf qu’en cette saison et qu’à cette heure de la journée les rues sont vides ; la plus part des personnes son au travail ou à l’école, alors que les pauvres, les ruinés et les désargentés tuent le temps chez eux en ce shootant avec leur surdose de télé. On ne croise plus que des retraités qui ne s’intéressent plus à sa peau et à sa chair de poule et quelques lycéens qui se rangent chez eux par grappe qui ne l’intéresse plus. Sans un sous elle se demande ce qu’elle fait là. La ville n’appartient plus aux pauvres lorsque le ciel se couvre. Elle échappe aux oisifs ainsi qu’à ceux qui fuient la monnaie comme une peste brune. Les bras ballants mais les poings serrés elle se balade seule comme une feuille roussie tombée de l’arbre puis ballotée par le vent. Dans sa paume droite, au creux de son poing serré il y a quelques pièces de centimes qu’elle a dérobés à la tirelire de sa fille. Elle n’est pas fière et se sent vaine de solder ainsi les trésors accumulés par sa gamine mais elle a l’impression de détenir la clef d’une échappatoire comme les écus abandonnés à Sharon le passeur des âmes. Elle perçoit les battements dans son cœur au fond de ses poings serrés comme s’il y avait là bas une forge pour frapper de névrose les pièces de métal maudit par la monnaie. Elle se dit cela quand une rafale de vent vient renverser sa coiffure dans un chaos idiot et balayer la résurgence de ses superstitions. Elle entre alors dans une boulangerie et dépense d’une seule somme son butin contre l’éphémère plaisir d’une religieuse.

Publié dans ébauche, écrire, argent

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