1747 ème jour : Un garçon sans histoire
Il faut se méfier des garçons sans histoire. Ce sont eux qui commettent des crimes de masse à l’arme blanche ou à l’arme à feu. Tenez-le-vous pour dit ; c’est la télévision qui le dit, mais c’est aussi moi qui le répète comme une boîte vide qui ferait caisse de résonance. Les garçons sans histoire sont ceux qui commettent les pires histoires. Je ne parle pas de les écrire, même si cela aussi ils peuvent le faire, mais je parle bien de les fomenter et parfois passer à l’acte. Je le sais, je suis un garçon sans histoire, un garçon sans larcin. Méfiez-vous donc de moi. Je suis un garçon sans histoire, je le sais c’est ma vie, et combien de fois, de jours et d’heures j’ai marché dans les rues imaginant les massacres de mes camarades de classe ? Je ne vais pas les compter, ni lister les pires et les meilleures façons que j’ai pu imaginer pour tuer les autres avec un goût de vengeance et un sens de la revanche, je suis un garçon sans histoire alors je ne vais en faire, pas ici, pas ce soir.
Et pourtant quand j’entends cette expression accolée à l’auteur d’un meurtre, d’une tuerie, d’un crime je ne peux m’empêcher de rire, de pleurer, de réagir vivement à l’intérieur, là où les garçons sans histoire fomentent leurs histoires. Je le fais parce que je me sens concerné et en même temps consterné parce que étant sans histoire, je sais que tout cela n’est que mensonge et raccourci. Il n’y a pas de personne sans histoire. Il n’y a pas de gens normaux, pas de garçons sans histoire. Il n’y a qu’une norme et des personnes dont l’imagerie sociale flotte au-dessous ou en dessus de la ligne de flottaison de la normalité.
Rassurez-vous, je n’ai ni couteau ni armes à feu. Et même si c’était le cas, vous ne risquez plus rien de moi ; à croire qu’aujourd’hui je suis un garçon avec une histoire.